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Echecs et Physique Quantique
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par Dany SŽnŽchaud |
Depuis Ludwig Wittgenstein (1889-1951, logicien) et Henri PoincarŽ
(1854-1912, mathŽmaticien), on sait comment certains philosophes
des sciences exactes apprŽcient d'utiliser le jeu d'Žchecs comme
Modle. Par modle, il faut entendre une intrusion dans leurs domaines
respectifs plus forte qu'une simple mŽtaphore ou qu'un simple exemple
- ce qui Žtait peut-être le cas chez Leibnitz (1646-1716,
philosophe et savant) et de Saussure (1857-1913, linguiste). Mais
laissons ces dŽbats aux ŽpistŽmologues qui seuls seraient ˆ mme
d'Žclaircir valablement les allusions denses d'un Wittgenstein ou
d'un PoincarŽ, entre autres, sur les Echecs au regard de leur discipline.
Gožtons plut™t les trois textes ci-aprs moins connus et qui s'inscrivent
donc aussi dans cette " tradition " d'utiliser le jeu d'Žchecs comme
d'un modle fort, pour Žclairer une proposition scientifique et/ou
pour opŽrer une Analogie avec une dŽmarche mŽthodologique en sciences
exactes.
Des parallles significatifs
D'abord, deux textes de Richard Feynman (1918-1988) physicien
amŽricain et Prix Nobel en 1965 :
Concernant le Principe de conservation, nous pouvons aborder cette
notion avec Feynman qui l'explique de faon trs simple par une
analogie entre la physique et le jeu d'Žchecs. Voici cet extrait
tirŽ de l'ouvrage La nature de la physique :
"Lorsqu'on Žtudie les lois de la physique, on
en dŽcouvre un grand nombre, compliquŽes et dŽtaillŽes : lois de
la gravitation, de l'ŽlectricitŽ et du magnŽtisme, des interactions
nuclŽaires, etc., mais ˆ travers la variŽtŽ de ces lois particulires
rgnent de grands principes gŽnŽraux auxquels toutes les lois paraissent
obŽir : ce sont par exemple les principes de conservation, certaines
qualitŽs de symŽtrie, la forme gŽnŽrale des principes de la mŽcanique
quantique, et malheureusement ou heureusement comme nous l'avons
vu, le fait que toutes ces lois sont mathŽmatiques.
Au cours de cet exposŽ, je vous parlerai des principes de conservation.
Le physicien utilise les mots courants avec un sens particulier.
Pour lui, une loi de conservation signifie qu'il existe un nombre
que l'on peut calculer en un moment donnŽ, puis, bien que la nature
subisse de multiples variations, si on calcule cette quantitŽ en
un instant ultŽrieur, elle sera toujours la mme, le nombre n'aura
pas variŽ. Prenons par exemple, la conservation de l'Žnergie ; c'est
une quantitŽ que l'on peut calculer suivant une certaine rgle,
et on obtient toujours le mme nombre quoi qu'il arrive.
Vous rŽalisez maintenant que cela peut tre bien utile. Imaginons
que la physique, ou plut™t la nature, est un vaste jeu d'Žchecs
avec des millions de pices, et que nous nous efforons de dŽcouvrir
la rgle du jeu. Les grandes divinitŽs qui jouent
le font trs rapidement, on a de la peine ˆ suivre et ˆ comprendre.
Pourtant, nous arrivons ˆ saisir certaines rgles, et parmi celles
que nous dŽcouvrons il y en a qui ne nŽcessitent pas d'observer
tous les mouvements. Par exemple, supposons qu'il y ait un seul
fou, le fou blanc, sur l'Žchiquier ; puisque le fou avance en diagonale
et donc reste toujours sur des cases de la mme couleur, si on dŽtourne
un instant le regard pendant que les dieux jouent et qu'on le reporte
ˆ nouveau sur le jeu, on peut s'attendre ˆ trouver encore un fou
blanc sur l'Žchiquier, sa position aura peut-tre changŽ mais la
couleur de sa case sera restŽe la mme. Telle est l'essence
mme d'une loi de conservation. Nous n'avons pas besoin d'entrer
dans le jeu pour en conna”tre au moins les rudiments."
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Le texte suivant se rapproche de la manire de faire de Wittgenstein
(et de Saussure) ; la fameuse question de la simplicitŽ des Rgles
du jeu (avec en regard, de faon sous-jacente, la complexitŽ de
la partie d'Žchecs dans sa globalitŽ). Il s'agit maintenant d'un
extrait de l'introduction au chapitre " Physique de base " tirŽ
du Cours de Physique de Feynman, destinŽ ˆ ses Žtudiants :
Qu'est-ce que nous entendons par " comprendre " quelque chose ?
Nous pouvons imaginer que ce rŽseau compliquŽ d'objets en mouvement,
qui constitue " le monde ", est quelque chose d'analogue ˆ une grande
partie d'Žchecs jouŽe par les dieux, et que nous sommes des observateurs
de ce jeu. Nous ne savons pas quelles sont les rgles du jeu ; la
seule chose que nous puissions faire, c'est de regarder
le jeu. Bien sžr, si nous regardons suffisamment longtemps, nous
pouvons finalement saisir quelques-unes des rgles.
Les rgles du jeu sont ce que nous appelons la physique
fondamentale. Mme si nous connaissions toutes les rgles,
il se pourrait que nous ne soyons pas capables de comprendre un
mouvement particulier de la partie, simplement parce que c'est trop
compliquŽ, et que nos facultŽs mentales sont limitŽes. Si vous jouez
aux Žchecs vous devez savoir qu'il est facile d'apprendre toutes
les rgles, et cependant il est souvent trs difficile de choisir
le meilleur dŽplacement ou de comprendre pourquoi un joueur agit
comme il le fait. Ainsi en est-il dans la nature ˆ un degrŽ supŽrieur
; mais nous devons au moins tre capables de trouver toutes les
rgles. En fait, ˆ l'heure actuelle, nous ne possŽdons pas toutes
les rgles. (De temps en temps, de mme qu'un joueur d'Žchecs peut
roquer, quelque chose de nouveau se passe que nous ne comprenons
pas encore.) En dehors du fait que nous ne connaissons pas toutes
les rgles, ce que nous pouvons rŽellement expliquer ˆ l'aide de
ces rgles est trs limitŽ, parce que pratiquement toutes les situations
sont compliquŽes ˆ un tel point que nous ne pouvons suivre la partie
en utilisant ces rgles, et encore moins prŽvoir ce qui va se passer.
Nous devons, de ce fait, nous limiter aux questions les plus fondamentales:
la connaissance des rgles du jeu. Si nous connaissons ces rgles,
nous considŽrerons que nous " comprenons " le monde. Comment pouvons-nous
dire que les rgles " supposŽes " sont effectivement exactes, si
nous ne pouvons analyser le jeu trs correctement ? Il y a, en gros,
trois manires. D'abord il peut y avoir des situations que la nature
a amŽnagŽes, ou bien alors nous amŽnageons la nature, de telle sorte
que ces situations soient simples et qu'il y ait si peu de composantes
que nous puissions prŽdire exactement ce qui va se passer, et qu'ainsi
nous puissions vŽrifier comment nos rgles fonctionnent. (Dans un
coin de l'Žchiquier, il peut n'y avoir que quelques pices ˆ l'oeuvre
et nous pouvons y voir compltement clair.) Une deuxime bonne manire
de vŽrifier les rgles se fait en fonction de rgles plus gŽnŽrales,
dŽrivŽes des premires. Par exemple, la rgle du mouvement d'un
fou sur un Žchiquier est de ne se dŽplacer qu'en diagonale. On peut
en dŽduire qu'un certain fou se trouvera toujours sur un carrŽ blanc,
quel que soit le nombre de mouvements rŽalisŽs. Ainsi, sans tre
capable de suivre les dŽtails, nous pouvons toujours vŽrifier nos
prŽvisions ˆ propos du mouvement du fou en contr™lant qu'il est
toujours sur un carrŽ blanc. Il y restera bien sžr pendant longtemps,
jusqu'au moment o brusquement nous le trouverons sur un carrŽ noir
(ce qui s'est passŽ Žvidemment, c'est qu'entre-temps il a ŽtŽ capturŽ,
un autre pion est allŽ ˆ dame et s'est transformŽ en un fou sur
un carrŽ noir.) C'est de cette manire que les choses
se passent en physique.
Pendant longtemps nous avons une rgle qui s'applique excellemment
et compltement, mme lorsque nous ne pouvons suivre les dŽtails,
et puis il arrive que nous dŽcouvrions une nouvelle rgle.
Du point de vue de la physique fondamentale, les phŽnomnes les
plus intŽressants se trouvent bien sžr aux nouveaux
endroits, o les rgles ne sont pas suivies - et non ailleurs o
elles le sont. C'est de cette manire que nous dŽcouvrons de nouvelles
lois. La troisime manire de vŽrifier si nos conceptions sont justes
est relativement grossire, mais probablement la plus puissante
de toutes. C'est en utilisant une approximation assez
large. Alors que nous ne sommes peut-tre pas capables de dire pourquoi
Alekhine dŽplace cette pice particulire, peut-tre
pouvons-nous grossirement comprendre qu'il est en
train plus ou moins de rassembler ses pices autour du roi, pour
le protŽger, puisque c'est la chose sensŽe ˆ faire dans la circonstance.
De la mme manire, nous pouvons souvent plus ou moins comprendre
la nature, en fonction de notre comprŽhension du jeu, sans tre
en mesure de voir ce que chaque petite pice est en
train de faire.
Au dŽbut, les phŽnomnes de la nature furent en gros divisŽs en
catŽgories telles que la chaleur, l'ŽlectricitŽ et la mŽcanique,
le magnŽtisme, les propriŽtŽs des substances, les phŽnomnes chimiques,
la lumire ou l'optique, les rayons, la physique nuclŽaire, la gravitation,
les phŽnomnes des mŽsons, etc. Cependant le but est de voir la
nature dans sa totalitŽ comme diffŽrents aspects d'un seul
ensemble de phŽnomnes. C'est-ˆ-dire que le problme de la physique
thŽorique de base aujourd'hui - est de trouver les lois derrire
l'expŽrience; d'unifier ces catŽgories. Historiquement,
nous avons toujours ŽtŽ capables de les amalgamer, mais avec le
temps on trouve de nouvelles choses. Cela allait trs bien, lorsque
soudainement les rayons X furent dŽcouverts. Nous avons continuŽ
d'unifier, et puis les msons furent trouvŽs. Ainsi, ˆ chaque Žtape
du jeu, cela para”t toujours assez embrouillŽ. L'unification a ŽtŽ
menŽe assez loin, mais il y a toujours fils et ficelles qui pendent
de toutes parts. C'est ainsi que se prŽsente la situation aujourd'hui,
et nous allons essayer de la dŽcrire. Voici quelques exemples historiques
de synthses.
Prenons pour commencer la chaleur et la mŽcanique.
Lorsque les atomes sont en mouvement, plus il y a de mouvement,
plus le systme contient de chaleur, et ainsi la chaleur et
les effets liŽs ˆ la tempŽrature peuvent tre dŽcrits par les lois
de la mŽcanique. Une autre synthse trs importante fut
la dŽcouverte des relations entre l'ŽlectricitŽ, le magnŽtisme et
la lumire, aspects diffŽrents d'une mme chose que nous appelons
aujourd'hui le champ ŽlectromagnŽtique. Une autre
synthse fut l'unification des phŽnomnes chimiques c'est-ˆ-dire
les diverses propriŽtŽs des diverses substances avec le comportement
des particules atomiques, synthse rŽalisŽe dans la mŽcanique
quantique de la chimie. La question est, bien sžr, de savoir
s'il est possible de tout rassembler et de dŽcouvrir
simplement que le monde reprŽsente diffŽrents aspects d'une
seule chose.
Nul ne le sait. Tout ce que nous savons est que, lorsque nous avanons,
nous pouvons rassembler les ŽlŽments, trouver ensuite certains ŽlŽments
qui ne s'embo”tent pas, et essayer de complŽter ce jeu de patience.
Bien entendu, nous ne savons pas s'il y a un nombre fini d'ŽlŽments
ou mme une frontire au puzzle. Nul ne le saura jamais avant d'avoir
terminŽ l'assemblage - si jamais on le termine. Ce que nous voulons
faire ici est de voir jusqu'o ce processus de synthse est arrivŽ,
et quelle est la situation ˆ prŽsent dans la comprŽhension des phŽnomnes
de base en fonction du plus petit ensemble de principes. Pour exprimer
ceci d'une manire simple, de quoi les choses sont faites
et quel est le plus petit nombre d'ŽlŽments diffŽrents?
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Ils sont devenus fous !
Jean-Pierre Petit (physicien vivant), ensuite :
Son propos se veut Žgalement, et peut-tre avant tout, humoristique
si l'on veut bien considŽrer le fait que l'auteur signale en exergue
ce mot de Souriau qui remarquait, en son temps (aprs la lecture
d'un livre de Brian Greene), que la physique thŽorique Žtait devenue·
un vaste h™pital psychiatrique.
"Je vais tenter de donner une image de cette Žvolution extrmement
dŽconcertante de la physique thŽorique contemporaine. Imaginez que
vous survoliez un champ de bataille, d'assez haut. En bas, des "blancs"
et des "noirs" s'affrontent. Ces centaines de milliers de "blancs"
et de "noirs", vu d'assez haut, semblent constituer un tissu continu.
Lˆ o les "noirs" offrent une densitŽ moindre, cela appara”t "gris"
; etc.
En diminuant votre altitude, vous rŽalisez soudain que ce qui vous
avait paru continu ne l'est point. En fait, ce qui se dŽroule en
contrebas est une sorte de jeu. Des "objets", ou ce qui vous semble
tre un ensemble d'objets ne se dŽplacent pas vraiment. Comme aux
Echecs, cet univers est fait de cases discrtes. Le prŽsent lui-mme
possde une Žpaisseur finie : la durŽe du coup.
Consultez un joueur d'Žchecs et demandez-lui ce qui se passe, entre
le moment o un roi passe de d1 ˆ d2. Que lui arrive-t-il pendant
ce "voyage subquantique" ? Il vous regardera avec
des yeux ronds. Mme attitude si vous lui demandez ce qui se passe
entre deux coups, aux Žchecs, sur l'Žchiquier, bien sžr, ou avec
quel matŽriau sont faites les pices, quelle est leur forme exacte.
On pourrait aussi envisager de faire vibrer ces cases d'Žchecs,
dont la dimension caractŽristique serait bien entendu la longueur
de Planck. On dŽcouvrirait au passage qu'il existe un nombre
absolument fantastique de faons de les faire vibrer, en tant que
"2-branes". En leur adjoignant quelques dimensions
supplŽmentaires le jeu deviendrait encore plus riche. Il s'agirait
alors de faire vibrer des hypercases ˆ n dimensions,
qui devraient alors, peut-tre, tre structurŽes en forme d'hypersurfaces
de Trondheim-Balnukov, ou de Malcom-BŽrŽnichkowicz.
De lˆ ˆ imaginer que ces hypercases puissent tre
l'objet de convulsions, de rŽarrangements internes fort complexes,
il n'y a qu'un pas. Comme disaient les Shaddock "pourquoi faire
simple quand on peut faire compliquŽ".
Bien sžr, la raison suffisante de cette dŽmarche, le but ultime
serait de dŽcrire les "coups" en tant que rŽsultat de l'interaction
vibratoire entre cases adjacentes. Vous espŽrez ainsi, parmi ces
dizaines de milliers de faons diffŽrentes de faire interagir ces
cases vibrantes pouvoir un jour retrouver par exemple le jeu de
dames ou les Žchecs. Mais une chose est sžre. Ce faisant, vous avez
construit le :
TOEG
En Anglais "Theory of Every Game",
la thŽorie de tous les jeux.
Jamais on n'aurait conu de thŽorie potentiellement plus globale
que la v™tre, puisqu'elle les contiendrait a priori
toutes. Ce serait l'instrument de musique absolu, le Gaffophone
dŽcadimensionnel, la harpe ultime.
C'est ˆ essayer."
Une proposition (tirŽe de son site Internet, www.jp-petit.com)
qui relve presque plus de la dŽrision littŽraire que de l'analyse
scientifique pourrait-on rŽtorquer ? Quelque chose qui, en somme,
tiendrait de la PATAphysique chre ˆ Raymond Queneau et Franois
Le Lionnais : la science des exceptions et des solutions imaginaires
! Au-delˆ de la parodie apparente, des physiciens et thŽoriciens
des jeux peuvent toujours nous communiquer utilement leurs commentaires.
En guise de conclusion
" Modle ", " analogie ", " mŽtaphore " ou " simple exemple
" ; quelle est donc la nature de l'emprunt au jeu d'Žchecs en sciences
exactes (logique ; mathŽmatique ; physique ; biologie) ?
Quelle est, en outre, la nature de l'engagement du savant lorsqu'il
Žvoque " une grande partie d'Žchecs jouŽe par les dieux " ? N'est-ce
pas un " renoncement " du discours scientifique sur le monde devant
tout questionnement METAphysique ? (Quid de l'ordonnancement du
monde ? Quid du chaos ?) A moins que ce ne soit simplement qu'une
aporie non encore ŽlucidŽe par les dŽcouvertes scientifiques ?
Les trois textes ici proposŽs ne donnent-ils pas ˆ envisager aussi,
de faon ultime, les limites de tout discours scientifique en dehors
de la production de concepts opŽratoires et de lois mathŽmatiques
ou naturelles (ce qui est propre aux sciences exactes) ? Notamment
en physique ?
Que de bien graves questions pour les ŽpistŽmologues.
Addenda
Albert Einstein (1879-1955), joueur d'Žchecs. On sait que Einstein
s'adonna aux Echecs dans les annŽes 1920 et 30. En outre, il apprit
avec Emanuel Lasker le jeu de Go dans les annŽes 20, ˆ Berlin. On
conna”t aussi le mot de Einstein vis-ˆ-vis de son ami Em. Lasker,
mathŽmaticien, philosophe, dramaturge et surtout joueur invŽtŽrŽ
: Si Em. Lasker avait passŽ moins de temps ˆ jouer aux Žchecs, il
aurait ŽtŽ un trs grand mathŽmaticien ! (Einstein prŽfaa aussi
la biographie de Em. Lasker par Dr. J. Hannak)
Einstein jouait peu aux Echecs, arguant souvent du fait qu'il se
refusait ˆ pratiquer des exercices intellectuels en dehors· de ses
recherches en physique !
Une partie attribuŽe ˆ Albert Einstein pour finir :
A. EINSTEIN - R. OPPENHEIMER
Princeton 1933
(ouverture Espagnole)
1.e4 e5, 2.Cf3 Cc6, 3.Fb5
a6, 4.Fa4 b5, 5.Fb3 Cf6, 6.0-0 Cxe4, 7.Te1 d5, 8.a4?!
(8.d3) 8·b4?! (8·Fc5),
9.d3 Cc5?!
(9·Cf6), 10.Cxe5 Ce7, 11.Df3 f6?
(11.Fe6), 12.Dh5+! g6, 13.Cxg6!
hxg6 (13·Tg8, 14.Cxe7+ Rd7, 15.Dxd5+ Re8, 16.Dxg8), 14.Dxh8
Cxb3, 15.cxb3 Dd6? (15·Rf7), 16.Fh6
Rd7, 17.Fxf8 Fb7, 18.Dg7 Te8, 19.Cd2 c5, 20.Tad1 a5, 21.Cc4! dxc4
(21·Dc7, 22.Fxe7), 22.dxc4 Dxd1,
23.Txd1+ Rc8, 24.Fxe7, 1-0.
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Addenda
(2)
Quelques commentaires libres sur cet article
Jean-Baptiste Fouet sur France-Echecs,
forum ŽchiquŽen sur Internet :
" Vous allez rire mais un des thmes de ma thse de physique quantique
est : THE HEISENBERG MODEL ON THE 2D CHECKERBOARD LATTICE (c'est
plus sympa en anglais parce qu'en franais, traditionnellement,
on parle de " rŽseau damier ").
NŽanmoins, je n'ai pas encore rŽussi ˆ utiliser mes connaissances
ŽchiquŽennes sur ce problme de spins en interaction !
· Par ailleurs, j'ai toujours trouvŽ aussi que le milieu de la Physique
thŽorique et celui des Echecs se ressemblaient un peu : des Russes
super-forts, de doux dingues, des mŽgalos ! "
Rapha‘l Tadros (thŽsard en physique) sur France-Echecs
:
" Il est plus facile d«expliquer la MŽcanique Quantique par le
biais des Echecs, le jeu Žtant certainement plus connu que les axiomes
de la MQ et la nature discontinue de la matire. De plus en MQ,
on parle de probabilitŽs de prŽsence, le dŽterminisme n«y a pas
sa place, contrairement aux Echecs ou thŽoriquement le hasard lui
n'y a pas sa place, fondamentalement parlant il y a donc opposition
entre les deux. (·)
Opposition entre hasard et dŽterminisme, le seul point commun Žtant
les discontinuitŽs des trajectoires des pices aux Echecs (la ligne
droite n«Žtant plus forcŽment le chemin le plus court entre 2 cases)
et les valeurs discrtes prises par l«Žnergie d«un systme. "
StŽphane Bichon (chef de projet informatique) sur France-Echecs
:
" Le jeu d'Žchecs a toujours ŽvoquŽ pour moi un univers en rŽduction,
avec ses particules ŽlŽmentaires et ses "lois" en nombre limitŽ
et prŽdŽterminŽ. J'ai ŽtŽ trs frappŽ de dŽcouvrir que des physiciens
faisaient Žgalement cette analogie, expliquant lumineusement ce
que je ressentais confusŽment. Ce modle pourrait tre utilisŽ ˆ
l'Žcole pour mettre en Žvidence, par exemple, la nature discrte
de la matire et de la lumire.
Je ne crois pas qu'il y ait "renoncement du discours scientifique"
dans cette mŽtaphore, j'y voie juste un support particulirement
adaptŽ pour le vulgarisateur et je suppose que la plupart des scientifiques
admettent l'idŽe d'un Grand Horloger. Il leur est permis d'y faire
allusion, de rappeler que notre vision du monde reste infiniment
partielle et passablement subjective.
Au fait, qu'en est-il d'Žventuels univers parallles o les constantes
(vitesse de la lumire, mur de Planck, masse photon/masse Žlectron,
etc.) seraient diffŽrentes ? Les dieux jouent aux Žchecs ici, aux
dames lˆ, au go plus loin... Tout cela est vertigineux et fascinant.
"
Claude Pavy (musicien compositeur-interprte) sur France-Echecs
:
" Feynman essaie donc d'expliquer que la dŽmarche du chercheur
s'apparente ˆ dŽcouvrir le "fonctionnement" d'un jeu auquel on assiste
mais dont on ne conna”t pas les rgles : "Nous ne savons pas
quelles sont les rgles du jeu ; la seule chose que nous puissions
faire, c'est de regarder le jeu."
Certaines rgles ŽlŽmentaires se dŽcouvrent assez facilement, mais
a devient trs vite trs compliquŽ, et nous n'avons plus ˆ notre
disposition que l'expŽrimentation "pour voir ce qui va se passer".
Le Champion David Bronstein parle trs bien de cela.
Et c'est exactement ma dŽmarche, mon "plaisir", lorsque je joue
aux Echecs. Je suis plus un "explorateur" qu'un thŽoricien ou un
calculateur. Je suis assez mauvais dans le calcul des variantes
et d'ailleurs a m'ennuie ! Donc je "tente" des coups ˆ l'intuition
qui s'avrent souvent plus que douteux Žvidemment, mais j'ai vu
ce qui se passait, j'ai "contemplŽ le truc" en action. De la mme
manire, et essentiellement dans ce cas lˆ, lorsque je lis une partie
de Grand-Ma”tre, c'est dans cette "contemplation", le fait "d'assister
ˆ", sans pouvoir comprendre les ressorts techniques, mais en "sentant"
les lignes de force de la partie, une certaine logique de son dŽroulement,
mais aussi avec les effets de surprise, etc., que j'y trouve le
c™tŽ "artistique" des Žchecs, comme un spectacle, et le rŽsultat
final en termes comptables m'importe peu. "
" Kolvir " (enseignant-chercheur en informatique) sur France-Echecs
:
" Une petite remarque : dans le texte de Feynman, je prŽfre la
traduction de square par case plut™t que carrŽ. Sur
la question de fond ˆ prŽsent. Tout d'abord on aurait aussi bien
pu prendre un autre jeu donc ˆ mon avis il ne faut pas trop s'imaginer
que les Echecs jouent un r™le spŽcial. Ensuite pourquoi un jeu ?
Je pense que c'est une faon agrŽable de prŽsenter un systme formel
qui ˆ mon avis n'est lui mme qu'un modle trs simplifiŽ du monde,
utilisŽ notamment en logique et en informatique.
Et pourquoi les scientifiques cherchent-ils les rgles d'un modle
du monde ? Et bien parce que c'est cela la science. Le jeu d'Echecs
n'est qu'un exemple bien connu de micro-monde avec des rgles prŽcises.
Les scientifiques construisent aussi des modles avec des rgles
prŽcises. Pas seulement les scientifiques bien sžr. Pour que le
monde nous soit intelligible nous le voyons au travers de modles.
A noter qu'en informatique il y a un modle trs simple qui pourrait
tre assimilŽ ˆ un jeu, avec un ruban et des rgles prŽcises pour
Žcrire des caractres sur le ruban. Science et Vie avait
d'ailleurs proposŽ de construire cela avant que les PC existent,
quand j'Žtais gamin et ces petites machines (de Turing vous l'aurez
devinŽ) m'avaient bien amusŽ ˆ l'Žpoque. Les machines de Turing
sont trs simples mais on ne conna”t pas de modle plus gŽnŽral
de systme calculatoire.
Un dŽtail : les machines en papier de Science et Vie avaient
(forcŽment) un ruban fini. Une machine thŽorique a un ruban infini.
"
Philippe Mamas (ŽpistŽmologue) :
" la lecture des textes d'auteurs m'inspire trois rŽflexions :
1) Je pense que, avant tout, ce qui domine dans les textes que
vous citez, c'est l'utilisation pŽdagogique de l'exemple
du jeu d'Žchecs pour faire jeter au lecteur un regard sur, non pas
le monde physique, mais la thŽorie physique ; autrement dit, les
auteurs que vous citez utilisent la mŽthophore/modle/exemple du
jeu d'Žchecs comme un moyen ludique d'introduction ˆ l'ŽpistŽmologie
des sciences physiques.
2) Ensuite, on peut se demander ce que les Žchecs ont de si particuliers,
ˆ part leur succs universel (ce qui suffit peut-tre), pour que
ce soient eux qui soient utilisŽs comme exemples dans ces textes.
De manire gŽnŽrale, j'ai envie de dire qu'ils ont au moins trois
caractŽristiques qui les rendent propre ˆ cela, et donc qui les
ont fait choisir par les auteurs :
(a) une trs grande complexitŽ de combinaisons, qui peut Žvoquer
la complexitŽ de la rŽalitŽ physique, et cela jusque dans la difficultŽ
qu'il y a, pour le joueur d'une part, pour le scientifique d'autre
part, ˆ "contr™ler" le jeu ou le monde ;
(b) une complexitŽ d'ŽlŽments de jeu (les pices), plus divers
que la plupart des jeux connus (je pense aux dames, au jeu de go),
et pas ordonnŽs (contrairement aux jeux de cartes), comme le sont
souvent les objets du monde physiques ;
(c) - ce qui est une autre manire de dire (a) - l'Žtrange mystre
d'un jeu apparemment totalement contr™lable (pas de hasard apparent)
et pourtant pour la plus grande partie incontr™lŽ car son dŽroulement
dŽpend d'un grand nombre de facteurs non contr™lables, et donc,
pour le joueur, d'une certaine manire alŽatoires.
3) Enfin, je me demande, si on veut bien renverser la perspective,
si ces caractŽristiques du jeu d'Žchecs n'ont pas concouru au succs
du jeu d'Žchecs en gŽnŽral. Mme si les joueurs d'Žchecs
sont avant tout des joueurs, ne gožtent-ils pas aussi, dans l'idŽe
qu'ils se font des Žchecs (et votre travail est un ŽlŽment de rŽponse·)
les rŽflexions ou les rveries sur le monde, que suggre la triple
complexitŽ ˆ la fois du jeu d'Žchecs et du monde que
j'ai ŽvoquŽe dans le point (2) ? "
Dr Michel Roos (universitaire et Champion de France d'Echecs
1964) :
" De tels textes sont Žvidemment intŽressants sur le plan anecdotique
et sur le plan de la publicitŽ pour les Echecs mais il ne faut pas
en attendre intellectuellement grande chose. En effet, ces "illustres"
sont tous ˆ peu prs compltement incompŽtents sur les Echecs et
par consŽquent ils ne peuvent rien dire de sŽrieux ; exactement
comme si nous parlions de la mŽcanique quantique sans avoir une
formation de physicien.
Par ailleurs, il n'est pas certain que l'expression sciences
exactes soit encore .... exacte ! Il y a dans la physique d'aujourd'hui
trop de thŽories et une part trop mathŽmatique par rapport ˆ l'expŽrimental
et ˆ la mesure qui avaient donnŽ l'expression sciences exactes.
Il nous faut certainement rŽflŽchir de faon scientifique et de
faon philosophique (ce qui est peut-tre bien identique !) sur
les Echecs, mais en venant de l'intŽrieur des Echecs, de notre compŽtence
de joueurs d'Žchecs de compŽtition, et d'une sŽrie d'enjeux intellectuels
et scientifiques majeurs. "
Aller plus loin
Lire l'article de Martin E. Rosenberg "Chess Rhizome : Mapping
Metaphor Theory onto Hypertext Theory" in Digital Arts & Culture,
novembre 1998.
Un texte d'ŽpistŽmologie intŽressant, traitant du mme sujet (les
Echecs comme mŽtaphore/modle/analogie/allŽgorie en sciences), dŽcouvert
sur Internet bien aprs la rŽdaction de mon article dŽbut aožt 2002.
Un texte disponible ici : http://cmc.uib.no/dac98/papers/rosenberg.html
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© Reyes 1997-2002
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